Le droit à l’autodétermination à l’échelle communale

Le droit des peuples à l’autodétermination (ou le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes) est un pilier du droit international contemporain. Il a une place particulière dans le dispositif des normes dans le domaine des droits humains en ce sens qu’il les chapeaute tous : civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. On peut affirmer que, sans la jouissance du droit à l’autodétermination, la réalisation des autres droits est illusoire [1].

A noter que, depuis l’adoption de la Charte des Nations Unies en 1945, le droit à l’autodétermination a constitué la base juridique et politique du processus de décolonisation qui a vu naître plus de 60 nouveaux États dans la deuxième partie du 20e siècle. Il s’agit d’une conquête historique, même si celle-ci concordait avec la volonté de certaines puissances internationales de faire éclater les « chasses gardées » des empires coloniaux de l’époque (européens principalement).

Ce droit est consacré dans les normes internationales en matière de droits humains. Parmi ces dernières le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels font autorité dans ce domaine. En effet, selon l’article 1er commun à ces deux Pactes : « Tous les peuples ont le droit de disposer d’eux-mêmes. En vertu de ce droit, ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement économique, social et culturel. »

Etat-peuples

Les bénéficiaires du droit à l’autodétermination sont les peuples. L’État est l’instrument de l’exercice de ce droit entre les mains du (ou des) peuple(s) qui le compose(nt).

La jouissance du droit des peuples à l’autodétermination dépend en particulier des éléments suivants : le libre choix du statut politique et du développement économique, social et culturel ; la souveraineté des peuples sur leurs ressources naturelles ; l’égalité des droits des peuples ; la non-discrimination ; l’égalité souveraine des États ; le règlement pacifique des différends ; le non-recours à la force ; la bonne foi dans l’accomplissement des obligations et dans les relations internationales ; la coopération internationale et le respect de la part des États de leurs engagements internationaux, en particulier en matière de droits humains.

L’indépendance politique et économique

L’indépendance politique ne peut pas être dissociée de la souveraineté économique. On peut même affirmer que, sans l’indépendance économique, la souveraineté politique est condamnée à rester théorique. Comme le déclara avec éloquence – en 1979 – Julius Nyerere, ancien Président de la Tanzanie :

« Chacune de nos économies [des pays membres du G77] est un ‘sous-produit’ et une ‘filiale’ des économies développées du Nord industrialisé, et elle est orientée vers l’extérieur. Nous ne sommes pas les maîtres de nos destins. Nous avons honte de l’admettre, mais sur le plan économique, nous sommes des territoires dépendants – au mieux des semi-colonies – et non des États souverains. »[2]

Comment le droit à l’autodétermination se traduit à l’échelle nationale et locale ?

En droit international, la doctrine indique qu’il y a deux aspects du droit à l’autodétermination : externe (international) et interne (national). Cette division est plutôt formelle, étant donné que ces deux aspects ne peuvent pas exister l’un sans l’autre. Cependant, il est évident que l’indépendance politique formelle ne signifie pas pour autant qu’un peuple jouit réellement de son droit à l’autodétermination. Ce droit ne signifie pas non plus uniquement la création d’un État. En effet, à l’échelle nationale, ce droit peut se traduire par le droit à la libre participation aux affaires publiques et à la prise des décisions.

En Suisse, nous avons trois niveaux de pouvoir : fédéral, cantonal et communal. Il est vrai que les compétences au niveau communal sont assez limitées. De plus, la tendance depuis deux décennies, imposée par la majorité politique de circonstance, est le transfert des charges et obligations au niveau inférieur (du fédéral au Cantonal, du Cantonal au communal), sans le transfert de compétences ni de finances qui devraient aller avec.

Cela dit, les compétences communales limitées ne peuvent et ne doivent pas constituer un obstacle à l’exercice du droit à l’autodétermination. Par exemple, pour pouvoir loger ses habitants, les autorités d’une commune ont tout intérêt de maîtriser le foncier et, si possible, construire elle même des logements afin de lutter contre les spéculations immobilières. Il en est de même pour les politiques publiques concernant les infrastructures (les bâtiments administratifs et scolaires, la gestion de déchets, l’eau, l’énergie, les routes, etc.). En cas de manquement ou face à une décision imposée par des autorités supérieures (cantonale ou fédérale) qui pose problème à l’échelle communale (par ex. construction d’une usine sur le territoire communale qui risque de polluer les cours d’eau et l’environnement), les citoyens et/ou résidents d’une commune peuvent se mobiliser pour contester une telle décision ou quelconque manquement, en faisant valoir leur droit à la participation et à la prise de décision, autrement dit leur droit à l’autodétermination.

Dans ce contexte, le recours aux consultations populaires, non seulement à travers des initiatives ou référendums mais aussi à travers des assemblées populaires par exemple, pourraient constituer un instrument intéressant à utiliser.  

Melik Özden

Confignon, février 2025


[1]Cet article est inspiré du livre Les droits économiques, sociaux et culturels : un levier juridique dans la lutte pour la justice sociale, Melik Özden, éd. CETIM, Genève, 2023.

[2]Allocution prononcée le 12 février 1979 lors de la 4e réunion ministérielle du G77 à Arusha, publiée intégralement dans Le dialogue inégal : Ecueils du nouvel ordre économique international, éd. CETIM, Genève, 1979.

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