Choses lues et entendues
C’est un des mots de ces deux dernières années. Que n’a-t-on pas lu et entendu sur le télétravail ? Beaucoup ont cru à ses promesses. Les plus misanthropes d’entre nous se sont dit qu’ils allaient échapper aux récits de vacances à la cafète. Moins de contraintes, du temps gagné pour soi, les ambitions culinaires, les bonnes résolutions sportives, tout ça. Certains ont même fait semblant de croire qu’il était possible de travailler tout en s’occupant de ses enfants. Et puis rapidement, la gueule de bois est venue.
Zoom fatigue
La frontière entre travail et vie privée, une idée so vingtième siècle. On avait connu le bureau qui ressemble à un lieu de vie, du moins pour ceux qui avaient un baby-foot chez eux, apparemment. Par un curieux renversement, aujourd’hui le bureau s’invite chez nous. Bienvenue dans le décor gris-taupe-épuré, ses laptops, ses tasses à café, ses plantes vertes, ses chats. Quand ce n’est pas ses cravates en haut, pyjama en bas, non mais quelle rigolade. Il y a de quoi perdre ses repères. L’autre jour, après une visioconférence particulièrement abrutissante, je crois que j’ai eu une hallucination. J’ai croisé Jules-de-chez-Smith-en-face qui revenait de la photocopieuse, ou peut-être du salon. Plus préoccupant encore, je me suis déjà surpris en train de voler du matériel de bureau à moi-même.
Le droit à la déconnexion
Le Portugal a instauré récemment une loi qui interdit aux entreprises de chercher à entrer en contact avec leurs collaborateurs en dehors des horaires de travail. Faut-il applaudir l’initiative en faveur de l’équilibre entre vie privée et professionnelle ? Ou se dire que s’il a été nécessaire de légiférer, c’est le signe qu’il y a un sacré problème ? Cela signifie-t-il qu’en l’absence d’une telle loi le droit à la déconnexion n’existe pas ?
L’aubaine
Une crise est une opportunité, c’est bien connu. Certains secteurs l’ont bien compris et connaissent un boom : matériel informatique, architecture d’intérieur, chirurgie esthétique, immobilier. La liste est disparate, et le mélange des genres est parfois désarmant : tel fabricant de webcams vous donne quelques trucs pour éviter que vos visioconférences soient trop longues. Les gens qui vous veulent du bien ne manquent pas, et ils ne sont pas avares en conseils. Souvent, ils ont un truc à vendre. Je n’ose même pas imaginer à quoi ressemble le rayon « développement personnel » de la Fnac.
Que n’a-t-on pas entendu sur le télétravail ? Rien. On a tout entendu, ainsi que son contraire. On s’épanouit. On s’étiole. On gagne du temps. On bosse tout le temps. Et la productivité ? Les stats augmentent. Elles mentent. On dort plus. On ne dort plus. Nos vies sont plus saines. Le télétravail accroit le risque d’addictions.
Alors, vertige existentiel, crise du sens ? On a surtout mieux vu certaines choses. Les inégalités. Le travail domestique et familial toujours aussi mal réparti. Une baisse de 20% des publications scientifiques dirigées par des femmes. Le fait qu’il était plus facile de prendre le télétravail du bon côté si on était déjà du côté du manche, justement.
Et maintenant ? Retour à la normale ?
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